Depuis l’Indépendance, le Tunisien n’a jamais vécu une telle situation de crises et de catastrophes. Cette avalanche de problèmes n’est, pourtant, pas uniquement le résultat d’une politique visant à affamer le peuple pour l’empêcher de mener les transformations économiques et sociales nécessaires. C’est, malheureusement, la conséquence de comportements égoïstes de la masse aveugle des gens.
Bien sûr, personne ne peut nier la responsabilité directe des trafiquants et des contrebandiers et autres profiteurs dans la poursuite des pénuries dans toutes les matières de base et de la flambée inextinguible des prix. Il est impensable d’admettre que tous les obstacles qui se dressent devant les efforts pour endiguer ce fléau soient vains. Même si on entend qu’il y a, chaque jour, des saisies de plusieurs centaines de tonnes de produits alimentaires, rien ne pourra arrêter les auteurs de ce trafic très rémunérateur. Nos produits sont exposés dans les zones limitrophes (Algérie et Libye) et à portée de main des consommateurs dans des fourchettes de prix pouvant aller jusqu’au triple.
Payer sa dette envers la société
Cela prouve qu’en plus des stockages et entreposages illégaux, il y a les activités de contrebande qui sont très florissantes. Et c’est de ce côté-là qu’il faut opérer et frapper avec une main de fer. Il faut employer tous les moyens de contrôle des frontières comme s’il s’agissait d’une véritable guerre. Les complicités avec ces contrebandiers sont très actives. Elles ne viennent pas seulement de gens corrompus mais aussi des Tunisiens (voisins et amis des trafiquants). Ils vivent parmi nous et tout le monde les connaît, y compris les services chargés de lutter contre ce fléau.
De même, nous sommes tous responsables de ces pénuries comme le sont ces trafiquants. Les consommateurs sont un facteur très important dans la création artificielle de la disparition de la marchandise (farine, semoule, sucre…) des étals des magasins et de chez les détaillants. En effet, les achats inconsidérés de grandes quantités pour les stocker créent ces perturbations dans les approvisionnements.
Nous nous interrogeons, naïvement, sur la provenance de toutes ces marchandises saisies et qui sont bien emballées. Ce qui prouve qu’elles viennent directement des usines où elles ont été produites après être passées par des voies tortueuses (tortueuses pour le simple citoyen). Il y a, derrière, de gros poissons. C’est sur quoi doivent se baser les enquêtes. On va pas apprendre aux enquêteurs leur travail. Car ils savent qu’ils doivent aller au fin fond de l’affaire. Il ne suffit pas de saisir les marchandises et de mettre les entrepôts sous séquestre et les malfrats derrière les verrous. Il est nécessaire de dévoiler les commanditaires et les hommes d’affaires corrompus qui se cachent derrière.
Donc, le fait de prendre toutes les mesures que l’on sait et d’adopter un arsenal législatif soi-disant approprié ne suffiront pas. Penser, aussi, à infliger des peines privatives de liberté n’est pas, non plus, à la hauteur de la situation. Héberger ces criminels dans nos prisons pose le problème de leurs soins, nourriture, etc… Autrement dit, ils deviendront un fardeau de plus pour les contribuables. Or, la sanction qui les attend ne doit pas être classique. Si on pense à les incarcérer, il faut qu’ils fournissent un travail utile à la société qu’ils ont tout fait pour détruire. On ne suivra pas l’avis de ceux qui vont jusqu’à proposer la peine capitale. Et ils sont nombreux. On pencherait plutôt à les impliquer dans des travaux d’utilité publique qui leur permettraient de «régler» leurs frais de séjour dans le milieu carcéral. Ce milieu pourrait ressembler à ceux qui ont servi pour enfermer un grand nombre de Tunisiens dont le seul tort était de s’opposer au pouvoir politique en place dans les années 70.
La région de Rejim Maatoug en est l’exemple le plus notoire. Des étudiants et des opposants (devenus, aujourd’hui, des élites et des responsables) y ont passé de longs mois.
Société civile : silence radio
Pourquoi ne pas penser à leur infliger de telles sanctions qui répareront, au moins, les dégâts causés au pays. N’en déplaise à ces hypocrites des Droits de l’Homme ? D’ailleurs, ces derniers, qu’ont-ils fait face à ce tsunami dévastateur qui menace des millions de Tunisiens ? Aucune de ces organisations ou de ces individus, qui sont prompts à se dresser devant n’importe quelle mesure ayant pour objet la réforme de tel ou tel système, n’a bougé le petit doigt pour dénoncer les agissements criminels des bandits qui font tout pour affamer le pays. Personne n’a ouvert la bouche pour proposer une solution ou aider à apporter de l’aide aux couches les plus démunies. Les Tunisiens savent que ces soi-disant militants ne font que gesticuler et tout faire pour bloquer tout. Du coup, leur silence devient complice et les esprits des Tunisiens peuvent aller jusqu’à les accuser d’être une pièce du puzzle destructeur.
Tout au plus les voit-on lancer des cris d’alarme contre “des mouvements sociaux violents” qu’ils appellent, d’ailleurs, de tous leurs vœux. N’est-ce pas ce que eux et leurs maîtres souhaitent à la Tunisie ?
Et, sur ce point, justement, on se demande pourquoi des organisations nationales comme l’Ugtt refuseraient l’application de vraies réformes en matière de produits subventionnés. Cette organisation a, pourtant, ses propres experts et a élaboré des études depuis plusieurs années sur les impacts du recours à la vérité des prix. Toutefois, l’évolution des données mondiales impose une révision globale des approches classiques. Il n’est plus question de continuer une politique ruineuse de soutien inconditionnel des prix pour des produits de forte consommation qui ne profitent, en fait, qu’aux couches les plus aisées et aux différentes activités industrielles, agricoles et commerciales. On vit, ainsi, hors du temps. Quand on regarde bien ce qui se passe dans le pays et comment ces produits alimentaires sont exploités, on constate qu’il y a des dépassements inacceptables.
Les produits dérivant des céréales sont beaucoup plus utilisés pour alimenter des circuits commerciaux (pâtisseries, boulangeries dites “modernes”, les “ftairias”, les marchands de pâtisseries traditionnelles, les vendeurs de sandwiches et autres casse-croûte, les vendeurs de “mlawi” et de “tabouna”…). Même si des dispositions existent pour réglementer l’utilisation de la farine pour certaines activités, les fraudes ne sont pas exclues; elles sont, carrément, courantes. L’utilisation de l’orge,la semoule ou le pain jeté à la poubelle et autres intrants, par exemple, servent à la nutrition animale. L’huile subventionnée est, elle aussi, utilisée chez ces pâtissiers et dans des activités industrielles (fabrication de la peinture, au fardage avec l’huile d’olive et autres astuces vicieuses).
Quant au café, sucre, thé et lait qui sont subventionnés à coups de devises, ils ne profitent qu’aux cafés et salons de thé. C’est là qu’ils sont revendus sous divers breuvages aux prix les plus extravagants, notamment dans ces endroits qui se présentent comme “huppés”.
Il n’y a plus de lignes rouges !
L’Ugtt, qui est une organisation responsable, a encore le temps de revoir sa position à l’égard de la levée des subventions sur ces produits stratégiques, moyennant des mesures d’accompagnement effectives, efficaces et ciblées touchant, en particulier, les couches faibles et moyennes. Une base de données dans ce sens existe auprès des autorités compétentes, nous dit-on.
Faut-il hésiter encore ? Nous pensons qu’il y a lieu de franchir le pas et de trancher pour la solution de la vérité des prix pour une liste de produits qui comprendrait les dérivés des céréales, le lait, le sucre, le café, le thé. Une autre liste comprenant d’autres produits comme les carburants ou les fruits et légumes ainsi que les viandes et les poissons pourrait être envisagée et faire partie des mesures à prendre pour améliorer le pouvoir d’achat des citoyens.
Mais, ce qui est sûr et absolu c’est de passer à l’action. Et, le plus vite serait le mieux. Il n’y a plus à reculer. La conjoncture nationale et internationale ne peut que nous inciter à ne plus considérer ces mesures salvatrices comme des tabous ou des lignes rouges. Le temps des slogans est fini. Les vrais syndicalistes n’accepteraient, probablement, pas de cautionner les pratiques actuelles qui consistent à injecter des milliers de milliards de dinars, chaque année, pour fournir des marchandises écoulées artificiellement à bas prix et qui ne profitent que peu, très peu, aux couches auxquelles elles sont censées s’adresser.